Secret de fonction

Introduction

Les membres de la municipalité, ainsi que les membres du conseil (général ou communal) et des commissions ont accès à un certain nombre d’informations dans le cadre de leur mandat, et plus particulièrement les membres des commissions de surveillances en raison de leur large droit à l’information. Le secret de fonction vise à protéger ce qui a été confié à une personne en vertu de sa fonction et à assurer la confidentialité des informations reçues.

Dernière mise à jour le 21.06.2022

Le secret de fonction a pour but, d’une part, de favoriser le bon fonctionnement des institutions, qui doivent pouvoir effectuer leurs tâches sereinement, sans que des fuites d’informations ne les exposent à des pressions, ni ne rendent les mesures qu’elles ordonnent inefficaces ; et d’autre part, de protéger la sphère privée des particuliers qui confient des informations à l’autorité.

Autorités communales concernées et informations protégées

La Loi sur les communes (LC) a ancré à son article 40d le principe selon lequel les membres du conseil général ou communal et de la municipalité sont soumis au secret de fonction. A ce titre, elles·ils doivent traiter de manière confidentielle les faits ou les renseignements dont elles·ils ont eu connaissance dans l’exercice de leur mandat et dont la divulgation :

  • est limitée en vertu de la loi ou d’une décision de l’autorité compétente;
  • pourrait léser un intérêt privé ou public prépondérant ou les droits de la personnalité ;
  • interférerait dans un procédure judiciaire ou administrative en cours; ou
  • est prohibée en vertu du huis clos prononcé par le conseil général ou communal.

Cette même loi précise que lorsqu’un huis clos a été décidé pour une séance du conseil général ou communal, les personnes présentes sont tenues au secret des délibérations (art. 15a, al. 4 et 27, al. 4 LC). Elle mentionne également que les séances et discussions de la municipalité ne sont pas publiques et que les procès-verbaux de ces séances ne sont pas communiqués à des tiers, sauf en cas de demande de l’autorité de surveillance ou d’une autorité judiciaire (art. 64, al. 2 LC). Ainsi, par exemple, un·e conseiller·ère municipal·e ne sera pas autorisé·e à transmettre à des tiers des procès-verbaux des séances de la municipalité ou des documents internes.

En outre, la loi fixe à son article 40i le secret de fonction des membres des commissions. Dès lors, en plus des obligations résultant de l’article 40d LC :

  • les commissions peuvent décider que tout ou partie de leurs travaux sont confidentiels, notamment pour le bon exercice de leurs tâches (al. 2) ;
  • les documents de travail des commissions, de même que tous documents ou renseignements qui leur sont soumis dans le cadre de leur mandat, ne sont pas confidentiels, sauf indication contraire de leurs auteur·e·s. Dans ce dernier cas, les documents ou renseignements confidentiels ne peuvent être communiqués ou leur contenu révélé qu'à des membres du conseil général ou communal avec l'autorisation de la·du président de la commission (al. 3) ; .
  • tous les documents destinés à reproduire ou résumer les déclarations ou propos tenus en commission, tels que les notes de séances, sont confidentiels. De tels documents ne peuvent être transmis qu'aux membres de la commission (al. 4).

Par conséquent, l’on constate que la loi ne les autorise pas à divulguer les informations reçues. Ainsi, les membres de ces autorités communales qui violent le secret de fonction s’exposent à des sanctions pénales. Dans ce cadre, l’art 40d al. 3 LC prévoit qu’il appartient à la·au préfet·e du district de mettre en œuvre une enquête administrative au sens de l’art. 141 al. 4 LC, et le cas échéant de transmettre à l’autorité pénale les dossiers dans lesquels il existe des indices de la violation du secret de fonction ou des faits susceptibles de constituer une infraction pénale. Il peut également arriver que l’autorité communale compétente dépose directement plainte auprès du Ministère public lorsque des soupçons de violation du secret de fonction pèsent sur un·e membre.

Sanction pénale de la violation du secret de fonction

La violation du secret de fonction est pénalement répréhensible et sanctionnée par l’article 320 du Code pénal (CP). L’alinéa 1 de cette disposition précise que : «celui qui aura révélé un secret à lui confié en sa qualité de membre d’une autorité ou de fonctionnaire, ou dont il avait eu connaissance à raison de sa charge ou de son emploi, sera puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire

L’article 320 CP a pour but, d’une part, de permettre l’accomplissement sans entrave des tâches de l’Etat ou de l’administration communale et, d’autre part, de protéger la sphère privée du particulier. L’infraction réprimée par l’article 320 CP est poursuivie d’office, ce qui signifie que le dépôt d’une plainte pénale n’est pas une condition pour que son auteur·e soit puni·e.

Les conditions

Ce délit n’est réalisé que si les éléments constitutifs suivants sont remplis :

  • un·e auteur·e, soit un·e membre d’une autorité ou un·e fonctionnaire
  • un secret
  • un secret appris dans la charge de la fonction officielle
  • la révélation du secret
  • l’intention

a. Un·e auteur·e, soit un·e membre d’une autorité ou un·e fonctionnaire

L’infraction ne peut être réalisée que par un·e membre d’une autorité ou un·e fonctionnaire. Par conséquent, les membres de la municipalité, du conseil général ou communal et des commissions sont tenus de garder secrètes les informations portées à leur connaissance et réalisent donc cette condition.

Le devoir de discrétion persiste même après la fin des rapports. Cela signifie que ces membres qui ne sont plus en fonction doivent garder le secret sur les affaires couvertes par le secret de fonction qu’elles·ils ont traitées auparavant.

b. Un secret

Il s’agit de tout fait dont la connaissance est réservée à un cercle limité de personnes, dont le caractère confidentiel est voulu et pour lequel il existe un intérêt légitime au maintien du secret. Il n'est donc pas nécessaire qu'une information ait été expressément déclarée secrète pour qu'elle le soit.

Cela exclut les faits notoires et les informations largement accessibles comme des coordonnées inscrites dans un annuaire téléphonique, ou les faits qui ont été rendus publics par une publication dans la presse. L’on peut ainsi affirmer que l’information qui provient d’une publication communiquée officiellement au public par une autorité ne constitue pas un fait secret. Suivant les circonstances, un fait révélé publiquement pourrait cependant, du fait de l’oubli, redevenir secret.

Pour ce qui est de la volonté de tenir une information secrète, s’agissant des collectivités publiques communales, comme l’on vient de le voir plus haut, elle résulte de la LC.

c. Un secret appris dans la charge de la fonction

L’auteur·e doit se voir confier un secret en sa qualité de membre d’une autorité ou de fonctionnaire ou encore à raison de sa charge ou de son emploi et non en qualité de simple particulier. Il doit exister un lien direct avec l’activité officielle. Cela exclut une violation lorsque la·le membre a pris connaissance d’un fait touchant son activité en dehors de sa fonction officielle.

d. La révélation du secret

Le secret doit être rendu accessible ou porté à la connaissance de tiers qui ne font pas partie du cercle autorisé. La divulgation d’un secret à sa·son conjoint·e est répréhensible. Peu importe la façon dont il est rendu accessible. Il peut s’agir d’un renseignement oral ou écrit, de la transmission d’un document ou de la permission de consulter une pièce. L’infraction est même réalisée par omission, soit par exemple lorsqu’on laisse un tiers avoir accès à des données qui se trouvent sur son bureau.

La communication est punissable même si le tiers est lui-même soumis au secret de fonction. Par exemple, un·e policier·ère municipal·e ne peut communiquer des informations dont elle·il a connaissance sur une infraction à un·e employé·e de la crèche communale, bien que tous deux soient soumis au secret de fonction.

En revanche, la communication entre personnes dans un même service n’est pas prohibée pour autant qu’elle soit autorisée selon la marche normale du service, ce qui sera notamment le cas lorsque l’information est communiquée dans le cadre d’un rapport hiérarchique direct.

De plus, la révélation n’est évidemment pas punissable si elle est prescrite par la loi (voir par exemple l’art. 32 de la loi du 29 mai 2012 d’application du droit fédéral de la protection de l’adulte et de l’enfant ; LVPAE ; BLV 211.55).

Enfin, la révélation n’est pas punissable si le secret de fonction a été levé par l’autorité compétente. Le chapitre ci-dessous «levée du secret» est consacré à cette question.

e. L’intention

A cela, il faut ajouter un élément constitutif subjectif qui est l’intention. En effet, l’infraction doit être intentionnelle. Une simple négligence aboutissant à la divulgation involontaire d’un secret protégé n’est pas punissable. Toutefois, le dol éventuel est punissable. Selon l’article 12 al. 2 CP, l’auteur·e agit déjà intentionnellement lorsqu’elle·il tient pour possible la réalisation de l’infraction et l’accepte au cas où celle-ci se produirait. Par exemple, la personne qui donne accès à son bureau à un tiers, en sachant que des documents sensibles y sont exposés à la vue de tou·te·s, mais en espérant que ce tiers n’y fera pas attention, pourrait commettre l’infraction.

La peine

La peine encourue peut être une peine privative de liberté de 3 ans au plus ou une peine pécuniaire (jours-amendes).

La levée du secret

L’alinéa 2 de l’article 320 CP prévoit que la révélation du secret n’est pas punissable si elle est faite avec le consentement écrit de l’autorité supérieure. Par exemple et sous réserve de dispositions spéciales, cette dernière doit lever le secret de fonction pour que l’intéressé puisse témoigner en justice comme témoin et ainsi divulguer les données.

En ce qui concerne un·e membre de la municipalité, c’est cette dernière in corpore qui est compétente pour lever le secret de fonction.

Pour les membres du conseil (général et communal), la compétence revient à celui-ci (y compris lorsque le secret en cause a été appris dans le cadre de travaux de commission).

Faits justificatifs

Les faits justificatifs sont importants en matière de secret de fonction. Il en existe des légaux et extralégaux.

a. Faits justificatifs légaux :

Certaines lois fédérales ou cantonales autorisent ou rendent obligatoire la communication d’informations à des tiers. Il s’agit d’un fait justificatif légal au sens de l’article 14 CP qui stipule : «Quiconque agit comme la loi l’ordonne ou l’autorise se comporte de manière licite, même si l’acte est punissable en vertu du présent code ou d’une autre loi».

b. Faits justificatifs extralégaux :

Selon la doctrine majoritaire, le consentement du particulier constitue un fait justificatif mais uniquement si les faits en cause ne concernent que sa sphère privée et s’il n’y a pas d’intérêt public indépendant au maintien du secret.

La problématique de la protection des données personnelles

Nous l’avons vu, un·e membre d’une autorité peut révéler des informations qu’elle·il a obtenues dans l’exercice de sa fonction dans certaines circonstances bien précises. Toutefois, cela n’implique pas un blanc-seing. La communication de ces données se heurte à la protection de la sphère privée. En effet, le but est de protéger les citoyen·ne·s contre l’utilisation abusive des informations personnelles les concernant et plus particulièrement, protéger la vie privée, soit la santé, la sphère intime, les opinions politiques et toutes les données qui peuvent affecter la réputation d’une personne.

Ainsi, la protection de la sphère privée des particuliers n’est pas assurée uniquement par l’article 320 CP, mais aussi par la loi cantonale sur la protection des données (LPrD). Cette loi pose le principe que les données personnelles doivent être traitées de manière licite. Le traitement est licite si les principes énumérés dans cette loi sont respectés. Le consentement de la personne concernée peut être un critère déterminant en la matière.

Cependant, la LPrD contient des critères d’appréciation et des procédures de décision partiellement différents des règles applicables en matière de secret de fonction. Il s’agit d’une problématique très particulière qui n’est pas traitée dans ce présent chapitre.

Conclusion

Les membres des autorités communales doivent garder à l’esprit qu’elles·ils sont soumis au secret de fonction (art. 320 CP). Les renseignements qu’elles·ils obtiennent dans le cadre de leur mandat ne sont donc pas tous voués à être affichés au pilier public de la commune ou publiés dans un média, par exemple. Certaines informations sont confidentielles et ce n’est qu’à certaines conditions bien définies qu’une transmission des données pourra être faite. C’est pourquoi toute communication d’informations doit être effectuée après une réflexion tenant compte de l’ensemble des dispositions légales applicables en la matière au niveau fédéral, cantonal et communal, ainsi que des principes exposés ci-dessus.

Contact :

Direction générale des affaires institutionnelles et des communes (DGAIC)
Direction des affaires communales et droits politiques
Rue Cité-Derrière 17 – 1014 Lausanne
Tél. 021 316 40 80 – affaires-communales@vd.ch